Buste en hermès de Napoléon lauré
Auteur : Carlo Marochetti (1805-1867)
Matériau : Marbre blanc
Epoque : 1829
Dimensions : 64,5 x 37 x 28 cm
Lien : Napoléon 1er
Trois bustes en marbre de Napoléon lauré signés Marochetti, datés respectivement de 1828, 1829 et 1830 et inspirés du fameux buste d’Antoine-Denis Chaudet, représentent un défi pour l’historien de l’art. Comment en effet ce jeune sculpteur alors inconnu a-t-il bénéficié d’une triple commande aussi prestigieuse ?
Le premier, réapparu en février 2024 sur le marché lors d’une vente de souvenirs de la famille Corvisart, figurait déjà sur un catalogue de vente de 1906. Le procès-verbal de cette vente fournit une liste de 34 vendeurs sans préciser leurs lots respectifs, ce qui ne permet pas d’identifier la provenance de ce buste et donc le commanditaire initial.
Il est évident en revanche que la famille Bonaparte est à l’origine de la commande des deux suivants. En effet, pour le buste daté de 1829 que nous présentons ici, le catalogue de la vente Libert de 2015 précise : « Selon la tradition familiale, ce buste a été offert à Rome, en 1830, pour son 80e anniversaire par les siens à l’Impératrice Mère Letizia Bonaparte (1750-1836), puis légué à la princesse Mathilde Bonaparte dont il ornait le salon de l’hôtel de la rue de Berri à Paris, puis au comte Joseph Primoli, puis par descendance 1».
La ‘tradition familiale’, on le sait, dit souvent vrai et, dans ce cas, la présence, dans la même vente, de souvenirs des familles Primoli et Bonaparte authentifie d’emblée la provenance de l’œuvre.
Un autre buste en hermès de Napoléon lauré a été mis en vente à Londres chez Sotheby’s le 12 mai 1995 et acquis par le musée Chimei de Taïwan. Celui-ci a la particularité de porter cette inscription : « Au vicomte de Trimond / Don du duc de Reichstadt / En souvenir du rétablissement de la / ville de Montauban comme chef-lieu /Par S.M. L’Empereur ». Pierre, vicomte de Trimond, (1782-1835) était le fils de Daniel Victor de Trimond (1745-1813), intendant de la généralité de Montauban. Signé et daté de 1830, ce buste confirme que le sculpteur était bien introduit auprès de la famille Bonaparte, au point de recevoir une commande du propre fils de l’Empereur.
Comment expliquer cela ? Carolina dell’Isola (1783-1836), mère de Carlo Marochetti et séparée de Vincent Marochetti depuis 1816, s’était remariée à un Romain, Marco Panvini-Rosati (†1826), et vivait à l’époque à Rome où son fils Carlo lui rendait régulièrement visite. Fréquentait-elle les Bonaparte ? Peut-être faut-il plutôt songer aux relations du père de Carlo, Vincent Marochetti (1770-1822), chargé en 1811 par la Grande-duchesse de Toscane, Elisa Bonaparte, de « poursuivre l’expédition des lettres patentes relatives au majorat donné par S.M. à la Princesse Napoléon, fille de S.A.D. et du Prince Felix2 » ? Enfin, le récent succès, au Salon de 1827, de la Jeune fille et un chien / Bambina che gioca con il cane aurait-il encouragé les Bonaparte à choisir Carlo Marochetti malgré son jeune âge ? Un présent destiné à la mère de Napoléon, un autre buste offert par le fils de l’Empereur, ces commandes remarquables, datant du tout début de la carrière du sculpteur, constituent une énigme à résoudre pour le chercheur, dont le premier exemplaire détient probablement la clef.
Baron Carlo Marochetti (1805-1867)
D’origine piémontaise, le sculpteur Carlo Marochetti doit son titre de baron, octroyé par le roi de Piémont-Sardaigne Carlo Alberto, à son premier chef d’œuvre la Statue équestre d’Emmanuel-Philibert, duc de Savoie à Turin (1838). Il partagea principalement sa carrière entre la France et le Royaume Uni. En France, où il vécut jusqu’en 1848, il participa aux deux grands chantiers de sculpture de la première moitié du XIXème siècle avec deux œuvres majeures, La bataille de Jemappes (1834), l’un des deux grands bas-reliefs de l’Arc de Triomphe, et le maître-autel de l’église de la Madeleine à Paris (1843). En Angleterre, où il demeura jusqu’à sa mort, son œuvre la plus célèbre reste la Statue équestre de Richard Cœur de lion (1851-1860) devant le Parlement de Londres. Il fut l’un des sculpteurs emblématiques du règne de Louis-Philippe, puis de la reine Victoria.
Caroline Hedengren-Dillon
Bibliographie
Caroline Hedengren-Dillon, « La statue équestre commandée à Carlo Marochetti pour l’esplanade des Invalides : une œuvre sacrifiée », Napoleonica la revue, n°53, Avril 2025, p. 105-160.
1 Lot 196, Libert, Paris Hôtel Drouot, Mercredi 10 juin 2015, Salle 4, Paris, 2015, p.52.
2 Neri Corsini à Vincent Marochetti, Paris, 19 mars 1811, Fonds Marochetti.