Statuette équestre de Napoléon en costume militaire

Auteur : Carlo Marochetti (1805-1867)
Matériau : Bronze
Epoque : 1840
Dimensions : 46 x 42 cm
Lien : Napoléon 1er

Editée chez Auguste Asse (1799-1869), la Statuette équestre de Napoléon par Carlo Marochetti, dont la souscription avait été lancée en décembre 1839, fut proposée à la vente quelques jours avant l’annonce officielle par Charles de Rémusat du projet de loi relatif au retour des cendres de l’Empereur et du vœu de lui ériger un tombeau aux Invalides. Sa parution fit l’objet d’un article dans Le Constitutionnel du 4 mai 1840. L’auteur précise qu’il s’agit d’un « projet de monument » et nous apprend en effet que Marochetti avait mûri le dessein grandiose de réunir sur l’esplanade des Invalides les statues équestres des deux empereurs Charlemagne et Napoléon. Cette coïncidence ne pouvait être fortuite, Marochetti, à l’heure où la France ignorait encore tout, était très certainement informé des intentions du gouvernement et du lieu où l’on voulait édifier le tombeau de Napoléon. Il devait également savoir que l’on réclamerait une statue équestre de l’Empereur, ce qu’allait justement faire la commission chargée d’examiner la loi : « Nous avons désiré aussi qu’une statue équestre de l’empereur soit enfin érigée, sur l’une de nos places publiques ; honneur qui appartient aux têtes couronnées et qui manque encore à Napoléon1 ». Le projet de loi fut adopté le 26 mai 1840 mais la proposition de statue équestre fut rejetée, contrariant ainsi les projets de Marochetti. On se souvient en effet que, au moment même où sa Statue équestre d’Emmanuel-Philibert, duc de Savoie (1838) était exposée dans la cour carrée du Louvre avant son départ pour Turin, le sculpteur faisait paraître sa réduction « chez les marchands de nouveautés » ; cette statuette avait connu un succès fou. Marochetti espérait sûrement cette fois une réussite comparable mais les choses ne se déroulèrent pas comme prévu et la diffusion de la statuette resta confidentielle, la liste des souscripteurs fait état d’une quinzaine de bronzes coulés.

Fièrement campé sur son coursier, Napoléon porte son uniforme de colonel des chasseurs à cheval de la Garde impériale, la main droite glissée dans son gilet, la gauche tenant les rênes. Il arbore son célèbre chapeau, un bicorne porté « en bataille », c’est à dire parallèle à la ligne des épaules, avec sa cocarde placée sur la gauche. Pour Marochetti, ainsi qu’il l’exprime dans une lettre datée du 5 mai 1839, « le costume c’est la date, c’est une étiquette indispensable, c’est l’histoire2 ». De fait, ce bronze reste fidèle dans les moindres détails aux représentations de l’empereur à cheval que nous connaissons à travers la peinture. Le tapis de selle porte le N impérial, on aperçoit le bout des fontes sous la paire de chaperons à deux étages, frangés, comme le tapis. La passementerie des épaulettes est traitée avec finesse, et l’épée avec précision. Le calme de l’empereur contraste avec l’animation du cheval, tout en mouvement. Les naseaux dilatés, les oreilles dressées, les yeux écarquillés traduisent la fougue de l’animal maîtrisé par son cavalier.

La presse italienne salua le naturel avec lequel Marochetti avait traité le sujet et en loua le caractère novateur : « il a créé une nouvelle poésie de l’art3 », faisant ici écho aux propos du Constitutionnel : « M. Marochetti a voulu résoudre le problème de représenter l’empereur tel que nous l’avons vu, et de le poétiser par la disposition des lignes et le caractère de l’ensemble. Il a fait ce périlleux essai, et, selon nous, il a complètement réussi4. »

Lorsqu’il recevra en 1842 la commande d’une statue équestre de l’Empereur pour l’esplanade des Invalides, dans son tout premier devis daté de mars 1843, le sculpteur, contrairement aux souhaits du gouvernement, envisageait de revêtir Napoléon du costume militaire, il espérait sans doute mener à bien ce projet initial dont témoigne cette statuette.

Baron Carlo Marochetti (1805-1867)

D’origine piémontaise, le sculpteur Carlo Marochetti doit son titre de baron, octroyé par le roi de Piémont-Sardaigne Carlo Alberto, à son premier chef d’œuvre la Statue équestre d’Emmanuel-Philibert, duc de Savoie à Turin (1838). Il partagea principalement sa carrière entre la France et le Royaume Uni. En France, où il vécut jusqu’en 1848, il participa aux deux grands chantiers de sculpture de la première moitié du XIXème siècle avec deux œuvres majeures, La bataille de Jemappes (1834), l’un des deux grands bas-reliefs de l’Arc de Triomphe, et le maître-autel de l’église de la Madeleine à Paris (1843). En Angleterre, où il demeura jusqu’à sa mort, son œuvre la plus célèbre reste la Statue équestre de Richard Cœur de lion (1851-1860) devant le Parlement de Londres. Il fut l’un des sculpteurs emblématiques du règne de Louis-Philippe, puis de la reine Victoria.

Caroline Hedengren-Dillon

Bibliographie 

Caroline Hedengren-Dillon, « Le tombeau de Napoléon attribué d’emblée au sculpteur Carlo Marochetti : un pan méconnu de l’histoire des Invalides », Napoleonica la revue, n°53, Avril 2025, p. 7-56.

Caroline Hedengren-Dillon, « La statue équestre commandée à Carlo Marochetti pour l’esplanade des Invalides : la commande, l’emplacement, le piédestal, les dimensions », Napoleonica la revue, n°53, Avril 2025, p. 57-104.

Caroline Hedengren-Dillon, « La statue équestre commandée à Carlo Marochetti pour l’esplanade des Invalides : une œuvre sacrifiée », Napoleonica la revue, n°53, Avril 2025, p. 105-160.


1 Napoléon en débat, 1840 : la mémoire de Napoléon en discussion dans l’hémicycle, Paris, Assemblée Nationale, 2021, p. 18.

2 Biblioteca di Storia e Cultura del Piemonte, “Giuseppe Grosso”, Archivio Carrone di San Tommaso, Carteggio, XI, 3, 4, 125.

3 “Il Napoleone di Marocchetti [sic], lettera a un pittore milanese” (Dal Messaggiere Torinese), La Moda, 13 août 1840, p. 258.

4 Le Constitutionnel, 4 mai 1840, p. 3.