Allégorie de la libération des esclaves dAlger par Jérôme Bonaparte, 1806
Auteur : François-André Vincent
Matériau : Huile sur toile
Dimensions : 45,5 x 37,4 cm
Signé et daté en bas à gauche : Vincent / 1806
Inscription autographe au revers de la toile dorigine : Appartenant à Mlle Me. Gabrielle / Capet. Vincent. 1806.
Provenance :
Donné par lartiste à Marie-Gabrielle Capet.
Alors quil na plus exposé depuis 1801, Vincent présente au Salon de 1806 un grand tableau qui ne figure pas au livret mais qui est décrit par Chaussard: «On vit éclore de son pinceau facile et exercé un tableau charmant, composé de deux figures grandes comme nature, représentant un Enfant qui relève un Esclave; il est exécuté avec sa vigueur accoutumée.» . Notre tableau est une réduction de cette uvre réalisée pour Jérôme Bonaparte. Le sujet renvoie à la mission confiée en 1805 par Napoléon à son jeune frère. Depuis 1802, un accord entre le dey dAlger et Napoléon protégeait les citoyens des républiques française et italienne, qui ne pouvaient être pris comme esclaves ; ceux de la République de Gênes étaient toujours traités par les pirates selon les habitudes barbaresques. En 1805, lannexion de Gênes à lEmpire pousse Napoléon à une action déclat ; en juillet, lors dune visite à Gênes, il écrit à Jérôme, à la tête dune escadre dans le port ligure: «Mon frère [
], le but de votre mission est de retirer tous les esclaves, génois, italiens et français, qui se trouvent dans les bagnes dAlger.» Parti début août, Jérôme rentre triomphalement à Gênes le 31 août avec à son bord deux cent trente et un esclaves rendus à la liberté.
La transaction aura coûté 450000 francs. En sengageant dans une politique de rachat desclaves, Napoléon suivait la voie ouverte par Louis XIV. Au XVIIIe siècle, lune des fonctions des chevaliers de Malte avait été de parcourir les côtes dAfrique pour y racheter les esclaves chrétiens. En 1815, lamiral Sidney Smith, ancien adversaire de Bonaparte à Saint-Jean dAcre, fondera à Paris la Société des anti-pirates, devenue ensuite la Société des chevaliers libérateurs des esclaves blancs en Afrique, destinée à mettre un terme à lesclavage des victimes de la piraterie dans les états barbaresques. Cest donc cet événement que célèbre le tableau de Vincent, dont on ignore sil a été commandé pour être offert à Jérôme ou par Jérôme lui-même.
Notre petite toile ne présente pas de variantes notables avec le tableau de Kassel. Les deux personnages, qui se tiennent sur le quai comme sur une scène de théâtre, symbolisent cette libération des esclaves. La composition du tableau, véritable exvoto, conjugue le langage allégorique et les détails les plus réalistes : les marques des fers sur les chevilles de lhomme, le tatouage sur son avant-bras, lexpression de son visage. La fillette tient une couronne de feuilles de chêne, symbole de puissance et de justice, liée dun ruban qui dans le grand tableau porte linscription La Riconoscenza a Girolamo Bonaparte (Reconnaissance à Jérôme Bonaparte). Symbolise t-elle cette reconnaissance ou bien est-elle la fille du prisonnier libéré? Le petit chien qui accourt figure quant à lui la fidélité que les prisonniers doivent à leur libérateur. Vincent devait être particulièrement attaché à cette composition pour en avoir gardé cette réduction quil a donnée à Marie-Gabrielle Capet (cat. 5), restée auprès de lui après la mort de sa femme, Adélaïde Labille-Guiard.
Par Bertrand Gautier.