Projet pour le portrait de Napoléon en costume du Sacre, 1812

Projet pour le portrait de Napoléon en costume du Sacre, 1812 - Patrimoine Charles-André COLONNA WALEWSKI  Projet pour le portrait de Napoléon en costume du Sacre, 1812 - Patrimoine Charles-André COLONNA WALEWSKIProjet pour le portrait de Napoléon en costume du Sacre, 1812 - Patrimoine Charles-André COLONNA WALEWSKI
Auteur : Anne-Louis Girodet-Trioson (1767 –1824)
Matériau : Mine au graphite et sanguine sur papier vergé filigrané
Dimensions : 20,6 cm x 16,8 cm cm

Anne-Louis Girodet de Roucy, dit Girodet-Trioson du nom de son père adoptif, entra dans l’atelier de David en 1785.
Lauréat du Grand prix en 1789, il séjourna en Italie comme pensionnaire entre 1790 et 1795.
Le Sommeil d’Endymion (1791) assura sa réputation de peintre original et poétique au Salon de 1793.
Hippocrate refusant les présents d’Artaxerces (1792) acheva de le classer parmi les maîtres de l’École française.
De retour en France en 1796, il ouvrit un atelier et s’attacha une clientèle en peignant des portraits dont le Portrait de Belley (1797), le Portrait du fils de Trioson (1798), et le Portrait de Bourgeon (1800).
Son caractère altier et indépendant le conduisit à effectuer le satirique Portrait de Mlle Lange en Danaé (1799) et son ambition de peintre d’histoire, La Scène de déluge (1806).
En 1802, Girodet réalisa l’allégorie politique d’Ossian recevant les ombres des héros français dans son Elysée (1802).
Il obtint par la suite des commandes publiques sous l’Empire: Napoléon recevant les clefs de Vienne (1808), La Révolte du Caire (1810) où l’Orient inspira particulièrement son pinceau, la série des Portrait de Napoléon en costume du sacre (1813) et le cycle de tableaux décoratifs pour le château de Compiègne (1814-1821).
Son érudition exceptionnelle et son goût pour la poésie lui firent fréquenter hommes de lettres, journalistes et éditeurs et l’amenèrent à peindre deux célèbres tableaux, Atala au tombeau (1808) et le Portrait de Chateaubriand (1809).
Ses goûts anacréontiques séduisirent le collectionneur Sommariva pour qui il peignit Pygmalion et Galatée (1819).
Adopté par les royalistes parmi lesquels il s’était placé en effectuant le Portrait du comte de Sèze, défenseur de Louis XVI (1806), il peignit pour Louis XVIII les portraits des chefs vendéens Cathelineau et Bonchamps (1824).
A la fin de sa vie, l’artiste composa des suites d’illustrations publiées après sa mort par ses élèves.
Girodet fut nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1808, membre de l’Académie des Beaux-Arts de Florence en 1810, membre de l’Institut en 1815 (Beaux-Arts) et reçut le cordon de Saint-Michel en 1817.
Il est rare qu’un dessin puisse être précisément daté.
La possibilité de le faire pour cette feuille, grâce à la correspondance de l’artiste, est d’autant plus appréciable.
En janvier 1812, Girodet reçut la commande, par l’intermédiaire du duc de Massa, de trente-six portraits en pied de l’empereur, destinés à décorer les cours de justice (cours d’appel).
Le 16 janvier, il écrit au duc de Massa: «Je joins le programme de la composition des portraits de S. M. que j’ai médité d’avantage encore depuis que j’ai eu l’honneur d’en conférer avec Votre Excellence.
J’y ai ajouté quelques idées nouvelles; l’Empereur ayant participé lui-même à la rédaction du Code, j’ai voulu exprimer cette circonstance en supposant que S. M. tient la plume à la main, non pas écrivant, mais venant d’écrire elle-même sa pensée.
Si S. M. n’approuvait pas cette idée, rien ne serait plus facile que de la supprimer sans rien changer à la composition du tableau dont Votre Excellence a paru approuver les autres dispositions.
Je supplie Votre Excellence de vouloir bien m’accorder encore un moment d’entretien pour recevoir ses dernières instructions et modifier d’après ses avis celles des idées de mon programme qu’elle jugerait devoir être plus clairement ou autrement énoncées.
» La lettre porte en marge cette annotation: «S. Ex. recevra M. Girodet le 23 janvier à midi.» Ce programme iconographique est exactement celui du projet dessiné ici présenté: l’Empereur tient dans sa main droite une plume, et tourne la page du code civil qu’il vient de rédiger (le mot «code» est inscrit en haut du volume).
Sur la table où est posé l’ouvrage, l’encrier côtoie les regalia: la couronne, le globe, l’épée et la main de justice ².
La statue de Minerve, déesse de la Justice, est astucieusement ajoutée à ces objets convenus pour adapter la composition au lieu où seront accrochés les portraits.
L’endroit se présente comme une salle officielle ouvrant sur une colonnade palatiale (y figure le trône sur lequel repose le sceptre de Charlemagne), mais aussi comme un cabinet de travail symbolisé par le détail pittoresque des papiers épars au bas de la table.
Ce mélange des genres n’eut pas l’heur de plaire au duc de Massa – ou à l’Empereur – et la composition qui fut retenue (fig.
1) présente Napoléon dans sa seule dignité impériale: il étend la main sur le code, en un geste qui se veut évocateur du serment constitutionnel prêté sur l’évangile lors de la cérémonie du Sacre ³.
Le dessin n’est donc pas postérieur à la rencontre de Girodet avec le duc de Massa le 23 janvier 1812 au cours de laquelle le nouveau programme fut établi, ni antérieur à leur premier échange en décembre 1811 4.
Au dos, figure en sens inverse un croquis à la sanguine, non moins intéressant: il reprend la planche du Livre du sacre de S. M. l’empereur Napoléon (1804), gravée d’après J.-B. Isabey, intitulée Grand habillement de l’Empereur (fig. 2), décrit en légende.
Le dessin est donc un témoignage de la source consultée par Girodet pour étudier le costume impérial.
Mais son trait libre, schématisant d’une manière proche de la caricature le personnage, trahit une certaine distance vis-à-vis du modèle – ou du souverain.
La feuille est prestigieuse puisqu’elle offre un double témoignage, au recto, de l’idée personnelle de Girodet, au verso, de ses sources, comme de la genèse de l’œuvre.
Il faut avouer que la composition donne une image plus séduisante du souverain que celle figée et hiératique qui fut peinte par l’atelier en vingt-six exemplaires.

Provenance :
– Vente Girodet (paraphe de Pérignon en bas à droite, Lugdt n° 3005e).
– Collection Coutan Hauguet.
– Vente Coutan-Hauguet-Schubert-Millet, 16-17 décembre 1889, n° 214, p. 53
(cachet de cette vente en bas à gauche, Lugdt n° 464).
– Collection du baron Joseph Vitta (achat à la vente ci-dessus).
– Collection particulière, Paris.

Expositions :
– Exposition de dessins de maîtres anciens et modernes, Paris, Galerie de Bayser, 1978, cat. n° 15.
– Girodet 1767-1824 (S. Bellenger dir.), Paris, musée du Louvre, 2005; Chicago, Art Institute ; New York, Metropolitan Museum, 2006; Montréal, musée des Beaux-Arts du Canada, 2007, repr. p. 367, n° 245.

¹- B. Chenique, La Vie d’Anne-Louis Girodet-Trioson, essai de biochronologie, Girodet 1767-1824 (S. Bellenger dir.), Paris, musée du Louvre, 2005, p. 751.
²- Sur ces regalia, voir cal. exp. Le Sacre de Napoléon (Sylvain Layeissière dir.), Paris, musée du Louvre, octobre 2004 – janvier 2005, pp. 32-38.
³- D. Chanteranne, Le Sacre de Napoléon, p. 126, qui pense d’ailleurs que c’est l’évangile qui figure dans le tableau Girodet.
4- A. Pougetoux, «Images de l’Empereur», dans cat. exp. Girodet 1767-1824, op. cit., pp. 364-373, p. 369.

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