Modèle de la statue équestre de Napoléon en costume impérial et de son piédestal
Auteur : Carlo Marochetti (1805-1867)
Matériau : Galvanoplastie
Epoque : décembre 1843
Dimensions : 64,5 x 39,5 x 28 cm
Lien : Napoléon 1er
Aussitôt après l’annonce par Charles de Rémusat du projet de rapatrier la dépouille de l’Empereur et de lui ériger un tombeau, le sculpteur Carlo Marochetti fut désigné d’emblée et proposa durant l’été 1840 deux projets de tombeau chacun surmonté d’une statue équestre. L’opinion publique s’insurgea contre cet acte de favoritisme et réclama un concours qui eut lieu dans la deuxième partie de l’année 1841. A l’issue de ce concours, auquel Marochetti ne participa point, aucun projet ne fut choisi mais la commission réclama à la fois, pour le Dôme des Invalides, un tombeau dans une crypte ouverte et, à l’extérieur, une statue équestre de l’Empereur en costume impérial. C’est ainsi que furent confiés à Louis-Tullius Visconti le tombeau et à Carlo Marochetti la statue équestre. La commande, datée du 22 mars 1842, fut pour diverses raisons reformulée le 19 septembre 1843. Le 7 décembre 1843, Marochetti déclarait : « l’esquisse de la statue équestre de l’Empereur et de son piédestal est terminée1 ».
L’œuvre présentée ici est le seul témoignage complet de ce projet d’ensemble
Le piédestal
D’après le libellé de la commande, le piédestal était confié à l’architecte Visconti ; Marochetti espérait cependant encore pouvoir en être l’auteur, il estimait que le piédestal faisait partie intégrante de l’œuvre et devait être réalisé par le sculpteur.
Ce piédestal au décor foisonnant comporte deux grands bas-reliefs exaltant d’un côté le militaire, de l’autre le souverain et législateur avec, pour le premier, un trophée d’armes disposées en éventail autour d’une cuirasse centrale surmontée d’un casque d’officier de dragons de la garde impériale et, pour le second, le code Napoléon servant d’axe central autour duquel s’ordonnent en arc de cercle les insignes impériaux, globe terrestre, main de justice, aigle, sceptre, associés à une crosse, allusion sans doute au Concordat, les évêques étant désormais nommés par le gouvernement. Sur chacun des bas-reliefs figurent de nombreux symboles illustrant d’une part la vie militaire, de l’autre les domaines de prédilection de la politique impériale.
Les quatre figures placées aux angles du piédestal apparaissent comme des génies de la victoire, chacun tenant une hampe qui traverse dans sa partie supérieure une couronne de laurier, elle-même surmontée d’un symbole chaque fois différent. L’une d’elles personnifie sûrement la bataille terrestre d’Aboukir (1799), victoire contre l’empire ottoman. On reconnaît en effet, sur l’épaule du personnage se tenant à gauche du bas-relief civil, le tug, sorte de bannière à queue de cheval portant le croissant, semblable aux deux mâts figurant sur le bas-relief de l’arc de triomphe de l’Étoile représentant cette même bataille par Bernard Gabriel Seurre.
La statue équestre
Conformément au vœu du gouvernement, l’Empereur est représenté en costume impérial, c’est-à-dire, le costume que Napoléon portait le jour du sacre. Selon toute vraisemblance, Carlo Marochetti a repris ici la statuette qui couronnait son premier projet pour le tombeau de Napoléon présenté sous le dôme des Invalides début août 1840. Lisons en effet la description qu’en fit la presse de l’époque : « L’Empereur est représenté en selle sur un énorme cheval ; il porte le grand manteau impérial ; sur son front est la couronne de laurier ; sa main gauche tient la bride ; la main droite, s’élevant à la hauteur de la tête, tient le sceptre de l’empire2. » Cette description correspond en tous points à l’œuvre présentée ici.
Il existe trois autres exemplaires de cette statuette, deux plâtres patinés bronze et un bronze fondu par Barbedienne mais, à la différence de la galvanoplastie présentée ici, une inscription figure sur la terrasse de ces trois exemplaires : « Vu et approuvé par Visconti ». On sait en effet que l’architecte Visconti, chargé du tombeau de Napoléon, devait superviser tous les travaux et donner son approbation à tout projet relatif au tombeau ou à la statue équestre.
La statue équestre commandée à Carlo Marochetti, bien qu’achevée par le sculpteur, ne verra jamais le jour. A la suite de diverses péripéties auxquelles l’architecte Visconti n’est pas étranger, elle sera ajournée en 1851 et la commande en sera annulée en 1853.
Cette œuvre est un précieux témoignage du tout premier projet de Carlo Marochetti présenté en décembre 1843, avant même de recevoir l’approbation de l’architecte.
Galvanoplastie
Cette technique, utilisant l’électrodéposition pour recouvrir un objet d’une fine couche de métal ou le reproduire, était alors en plein essor. Il n’est pas étonnant que Marochetti, qui s’intéressait aux nouveautés techniques, y ait eu recours pour présenter sa maquette. On peut supposer que le sculpteur s’était adressé au fondeur Soyer, alors désigné pour couler en bronze la statue équestre, pour la réaliser. Ce dernier en effet était connu pour pratiquer ce procédé.
Baron Carlo Marochetti (1805-1867)
D’origine piémontaise, le sculpteur Carlo Marochetti doit son titre de baron, octroyé par le roi de Piémont-Sardaigne Carlo Alberto, à son premier chef d’œuvre la Statue équestre d’Emmanuel-Philibert, duc de Savoie à Turin (1838). Il partagea principalement sa carrière entre la France et le Royaume Uni. En France, où il vécut jusqu’en 1848, il participa aux deux grands chantiers de sculpture de la première moitié du XIXème siècle avec deux œuvres majeures, La bataille de Jemappes (1834), l’un des deux grands bas-reliefs de l’Arc de Triomphe, et le maître-autel de l’église de la Madeleine à Paris (1843). En Angleterre, où il demeura jusqu’à sa mort, son œuvre la plus célèbre reste la Statue équestre de Richard Cœur de lion (1851-1860) devant le Parlement de Londres. Il fut l’un des sculpteurs emblématiques du règne de Louis-Philippe, puis de la reine Victoria.
Caroline Hedengren-Dillon
Bibliographie
Caroline Hedengren-Dillon, « Le tombeau de Napoléon attribué d’emblée au sculpteur Carlo Marochetti : un pan méconnu de l’histoire des Invalides », Napoleonica la revue, n°53, Avril 2025, p. 7-56.
Caroline Hedengren-Dillon, « La statue équestre commandée à Carlo Marochetti pour l’esplanade des Invalides : la commande, l’emplacement, le piédestal, les dimensions », Napoleonica la revue, n°53, Avril 2025, p. 57-104.
Caroline Hedengren-Dillon, « La statue équestre commandée à Carlo Marochetti pour l’esplanade des Invalides : une œuvre sacrifiée », Napoleonica la revue, n°53, Avril 2025, p. 105-160.
1 Carlo Marochetti à Edmond Cavé, 7 décembre 1843, Archives nationales, F/21/735, f. 10 bis.
2 Journal des Débats, 4 août 1840, p. 2.