Convention secrète sur le rattachement de la Savoie à la France

Auteur : Alexandre Walewski I
Date : 16 décembre 1858

Document autographe d’Alexandre, Ier comte Colonna Walewski : Convention secrète du 16 décembre 1858 concernant le rattachement de Nice et de la Savoie à la France.

En dépit des soulèvements de 1848, l’Autriche a maintenu sa présence en Italie. Elle contrôle la Lombardie et la Vénétie, et sa présence est forte dans les duchés centraux, tandis que le pape se refuse à être le champion d’une Italie libérale et unifiée. Seul le royaume de Piémont-Sardaigne semble capable de prendre la tête d’un véritable royaume d’Italie. Le roi Victor-Emmanuel est soutenu dans cette politique par son ministre Cavour.

Le projet de bâtir une Italie unifiée trouve le soutien de Napoléon III, qui, durant sa jeunesse, a combattu aux côtés des carbonari italiens en faveur de la cause nationale. A Plombières (Vosges), où l’empereur des Français est en cure, une entrevue secrète a lieu entre celui-ci et Cavour, les 20 et 21 juillet 1858. Le premier ministre piémontais obtient que la France s’engage aux côtés de l’Italie en cas de conflit avec l’Autriche. En contrepartie, il est prévu que le comté de Nice et la Savoie soient cédés à la France. Cette « convention secrète » synthétise donc les conclusions de l’entrevue de Plombières.

Mais de juillet à décembre, Walewski est tenu à l’écart de la politique étrangère de Napoléon III. Il ignore alors ce qui a été conclu à Plombières, et ne l’apprend qu’au début du mois de décembre, d’où la date de la note secrète, et cette mise par écrit, rapide, de ce qui s’est conclu quelques mois plus tôt, et que Walewski désapprouve.

L’alliance entre la France et le Piémont est officialisée par un traité signé en janvier 1859, qui prévoit par ailleurs la formation d’un royaume de Haute-Italie, ce qui ménage les Etats pontificaux. Les clauses de ce traité reprennent donc le contenu de la note secrète préparée par Walewski en décembre. Cédant à des provocations piémontaises, l’Autriche envahit le Piémont à la fin du mois d’avril 1859. Les victoires franco-piémontaises de Magenta, le 4 juin, puis de Solférino, le 24, conduisent à la signature de l’armistice de Villafranca : l’Autriche cède la Lombardie à la France, qui la remet au royaume de Piémont.

En échange de quoi, comme prévu à Plombières, Nice et la Savoie deviennent françaises, ce qui est le premier agrandissement du territoire français depuis 1815. Le 14 mars 1861, Victor-Emmanuel est officiellement proclamé roi d’Italie. Le 24 mars 1860, le rattachement de la Savoie à la France est consacré par le traité de Turin. Les 15-16 avril pour les habitants du comté de Nice, puis les 22-23 avril pour les habitants de la Savoie, un plébiscite est organisé afin qu’ils se prononcent sur ce changement de statut : dans l’un et l’autre cas, plus de 99 % des votants soutiennent le rattachement à la France.

Natalie Petiteau,
Professeur d’histoire contemporaine, Université d’Avignon – Centre Norbert Elias

Texte intégral :

« 16 Xbre 1858.

signée Napo.-Vict. Emm.
Walewski-Cavour

Convention Secrète.

Préambule.
L’état critique de l’Italie étant de nature à faire prévoir des complications qui pourraient donner au Piémont des raisons légitimes d’invoquer l’appui de la France…

art. 1er.
Dans le cas où par suite d’un acte agressif de l’Autriche la guerre viendrait à éclater entre le Piémont et l’Autriche, une alliance offensive et défensive sera conclue entre la France et la Sardaigne…

art. 2e.
Le but de cette alliance sera de prévenir le retour des complications en affranchissant l’Italie de l’occupation autrichienne et en constituant, si l’issue de la guerre le permet, un royaume de 21 millions d’habitans environ.

art. III.
Nice et la Savoie à la France.

art. IV.
Quel que soit le cours des événements auxquels la guerre pourrait donner lieu, il est expressément stipulé, dans l’intérêt de la religion catholique, que la souveraineté du Pape sera maintenue.

convention militaire
convention financière
adjointes au traité d’alliance offensive et défensive. »

Cette pièce a figuré à l’exposition Napoléon III et l’Italie: Naissance d’une Nation 1848-1870
(du 19 Octobre 2011 au 15 Janvier 2012) au Musée de l’Armée à Paris.